« Je ne sais pas quoi faire de mes mains. Ma voix est monocorde.
Comment puis-je être plus expressif ? »
Un cas concret : Nicolas
Nicolas vient me voir pour préparer un concours d’entrée dans une école très élitiste.
Afin de travailler sur sa présentation, je le fais s’exprimer sur ses motivations, sur ce qui va le distinguer de ses concurrents, quelle est sa valeur ajoutée ? quelles sont ses forces et ses qualités et compétences sur lesquelles il peut s’appuyer, etc.
D’emblée, je suis scotchée par son parcours: depuis tout jeune déjà, il a multiplié des expériences professionnelles en milieu associatif, menées de front souvent ensemble. Leur nombre est impressionnant. Il se déclare être humaniste, défendre des valeurs et des causes et met toute son âme, son énergie et son temps à les défendre, impulsant nombre d’actions plus remarquables les unes les autres.
Seulement, tout cela est communiqué d’une manière lisse, réservée, souriante. Sa présentation est monotone: il se contente d’énumérer en une longue liste l’ensemble de son parcours, avec une grande douceur, traduisant son empathie avec les plus démunis. A son écoute, transparait une jeune homme… gentil. Sans plus.
Il ne communique pas réellement ses expériences, nous n’entendons pas réellement son parcours. Pire: nous doutons qu’il soit capable de mener tout cela. Bref, il communique très mal. Je ne reçois que le quart de ce qu’il raconte.
Sa communication n’est absolument pas à la hauteur de ce qu’il a réellement impulsé, mené et vécu
Rien de l’énergie dont il a été capable pour mener à bien l’ensemble de ses actions. Rien de ses combats – car nous nous doutons qu’il a dû se battre pour imposer et mener à bien ses projets. Seulement une grande gentillesse.
Parler, c’est être concret et donner à voir.
Je lui dis de recommencer et de faire l’exercice suivant sur une de ses expériences : VOIR et REVIVRE chaque chose dont il parle. Donner à VOIR.
Il recommence et là, la métamorphose arrive: ses yeux brillent, il est réellement « habité ». Tout son corps devient expressif : bras, visage, mains. Sa voix n’est plus monocorde, elle est contrastée. Et nous voyons et vivons avec lui.
Parler c’est rendre concret tout ce que l’on dit :
chaque mot, chaque phrase charrie une image.

Les mots ne sont juste que des « contenants ». Des contenants sonores qui transportent des images concrètes.
Lorsque je dis à une personne: « Passe-moi le sel », nous sommes bien d’accord
que le véritable message que je lui fais passer, c’est qu’elle prenne le sel,
peu importe que le sel se désigne par le mot « sel » ou pas.
A la limite, je me fiche du mot: ce n’est qu’une convention.
Le message, c’est ce qu’il y a à l’intérieur des phrases ! Pas les phrases en elles-mêmes.
Pour celui qui parle, s’il est dans une parole vraie, et non pas creuse ou langue de bois, même des choses aussi abstraites ou générales que: le travail, l’autonomie, la motivation, la liberté renvoient à des choses ou situations palpables, concrètes.
Parler, c’est rendre visible les choses :
leur donner un contour, une forme, une couleur, une épaisseur, un poids.
Pour cela il suffit de revivre le plus concrètement possible ce dont je parle et le donner à voir.
Si je vois ce dont je parle, mon interlocuteur le verra
et cela lui parlera.
Parler, c’est créer.
Il n’y a rien dans la pièce où je suis.
Lorsque je dis (et vois en même temps, dans ses contours et ses formes): « J’ai créé une association pour aider les femmes ». L’association est visible: elle surgit entre mon interlocuteur et moi.
L’impact est fort.

Si je vis tout ce dont je parle, l’expression du corps viendra en général toute seule, exactement de la même manière que j’ai traversé concrètement l’évènement (si c’est un évènement) ou que j’envisage de le faire (si c’est un projet): les membres supérieurs bougeront, désigneront: tout le corps sera mis au service du FAIRE VOIR.
Par contre, si le mot ou la phrase ne renvoie rien de concret: ils vont sonner creux: cela ne restera que des… mots. Sans substance. Sans vie.
« Words, words, words… » dira notre cher Hamlet.
Discours creux. Langue de bois. Plat et ennuyeux.
Comment s’exercer ?
1. Je travaille ma posture
Je suis ancré, aligné avec mon centre. Mon regard n’est pas flottant: je regarde mes interlocuteurs, qui deviennent des cibles.
Je projette ma voix depuis mon ventre
et j’incarne avec tout mon corps ma parole.
La posture est essentielle: elle vous permet de projeter ce dont vous parlez,
de rendre visible tout votre contenu et d’être présent.
Tout ceci est détaillé dans l’article: Les 7 règles d’or de la prise de parole
2. Je cherche le naturel.
Je cherche à délivrer mon discours, ma présentation, ma soutenance, etc.
comme si je racontais une histoire.
L’histoire doit être passionnante. Je cherche la fluidité.
Je contraste mes phrases, le rythme.
Tout est vrai ! Tout est vécu.
Mon objectif ? embarquer mon auditeur,
faire qu’il vive ce que je raconte, qu’il éprouve les mêmes émotions que moi.
Chaque détail est important.
Je le conduis pas à pas, je le fais voyager d’un point à l’autre.
3. Je travaille la forme de mon contenu.
Pour cela, j’ai besoin de bien rédiger mon contenu !
Qu’il soit déjà « expressif ». Vous trouverez la méthode ici:
3 astuces clés pour rédiger un contenu qui vous aidera à rester naturel et confiant.
4. Je fragmente mes phrases
Je vais lentement. Je décompose chaque élément, chaque fragment, l’un à la suite de l’autre.
Je dois voir, réellement voir, dans ses détails chaque chose et les donner à voir.
J’accentue les mots importants.
Plus tard, dans un 2ème temps, je serai capable d’enchainer et de rythmer.
Lorsque nous parlons dans la vie et sommes naturel: c’est ce qui se passe.
La parole est heurtée, contrastée. Les mots et fragments s’empilent les uns sur les autres.
Nous ne livrons jamais de longues phrases d’un seul bloc !
Un exercice précieux qui vous fera progresser très rapidement:
s’entrainer à raconter une histoire à un enfant.
Etre dans le présent. Créer l’ambiance et chacune des images.
C’est un superbe exercice car l’enfant est un auditeur exigeant:
si vous n’êtes pas dans les images, dans chaque image,
il coupera court et décrochera.
Il ne vous croira pas et… il aura raison !