Yaël Bacry

J’étais une jeune étudiante à la fac, terminant sa thèse. Avec un poste qui m’attendait après ma soutenance. Mais je n’étais pas bien dans ma peau. J’étais la caricature de « l’intello »: mon corps, que j’avais délaissé, n’était là que pour « transporter ma tête ». A l’écrit, j’étais brillante (promue à une belle carrière universitaire) mais à l’oral, maladroite au possible à cause d’un manque de confiance en moi, j’étais toujours tétanisée avant de prendre la parole… bref…

Cet été 1993, voulant gagner quelques sous, j’avais postulé comme figurante au Festival lyrique d’Aix-en-Provence. Et ce fut le choc de ma vie. J’étais sur le plateau, à quelques centimètres de la chanteuse qui commença à chanter. Avec une telle puissance ! Cette puissance – de soi, inouïe qu’elle dégageait, me traversa des pieds à la tête.

Elle s’exprimait, elle, toute entière, et je ressentis, pour la première fois, ce que ÊTRE signifiait. C’est MOI qui suis. Qui parle.
Car je me disais que cette technique vocale pourrait bien servir à parler aussi.

Et j’ai pensé: c’est là où je veux être à présent. Dans ce secret-là. De l’existence.

Adieu ma carrière universitaire. J’ai soutenu ma thèse avec félicitations du jury. J’ai claqué la porte et suis partie vers ce lieu qui allait, j’en étais sûre, me métamorphoser.

Le théâtre m’a sauvée. Il m’a donné un corps. Avec une pleine expression de moi-même. Libre et puissante. Il m’a appris la présence. La pleine confiance en soi. La possibilité d' »embarquer » l’autre, d’agir sur lui par la parole.

Depuis plus de vingt ans, je n’ai cessé de me consacrer à l’enseignement: je veux que d’autres en profitent. Tous ces secrets, ces outils issus du théâtre, je les ai adaptés, peaufinés, pour aider tous ceux qui cherchent à libérer leur parole avec authenticité et à se métamorphoser.